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Un nouveau versement au fonds Jean Starcky

En 2022 le service des archives du Collège de France mettait à disposition du public l’inventaire du fonds Jean Starcky. Cela a permis de mettre en valeur les six mètres linéaires du fonds  donnés en 1988 à l’Institut des études sémitiques1.

La partie iconographique du fonds avait été inventoriée, mais n’avait pas encore fait l’objet d’un classement par sites, effectué en parallèle de la numérisation de ces documents. De plus, cette partie était lacunaire. En effet, seuls les sites de Pétra et Palmyre y étaient bien représentés, tandis que les études concernant des manuscrits de la mer Morte et le site de Qumrān n’apparaissaient que très peu.

Cette lacune a pu être  comblée en janvier 2025. En effet, l’épigraphiste Émile Puech, ancien collègue de Jean Starcky et héritier intellectuel de son travail sur les manuscrits de Qumrān et les papyri nabatéens, est venu donner au Collège de France une partie des archives que lui avait confiées l’archéologue.

Directeur de recherches émérite au CNRS et professeur émérite de l’École biblique et archéologique de Jérusalem, Émile Puech a notamment travaillé sur les manuscrits de la grotte 4 de Qumrān ; il  est à l’origine de plusieurs publications majeures sur le sujet2. Avec ce don, ce sont plus de 500 diapositives, 17 bandes de négatifs et 80 tirages photographiques qui viennent enrichir le fonds déjà conséquent des archives iconographiques de Jean Starcky.

On y trouve par exemple de remarquables clichés de l’épigraphe et archéologue sur le terrain au milieu des ruines, des grottes ou encore au Musée archéologique palestinien de Jérusalem3, penché sur des fragments de manuscrits.

Les premiers manuscrits de la mer Morte sont trouvés en 1947 par un berger dans une grotte baptisée « grotte 1 ». Puis en 1952 la découverte fortuite de la grotte 4 confirme l’importance du site de Qumrān. Au total, ce sont onze grottes contenant presque un millier de manuscrits qui sont découvertes durant les différentes missions.

Ill. 3. 87 CDF 26/10, Photo 24, Jean Starcky prenant des clichés depuis la terrasse de Qumrān, s. d.

Entre 1949 et 1956, les  fouilles du site sont menées par Roland de Vaux4, qui rassemble autour de lui une équipe internationale et interconfessionnelle de spécialistes afin de mener à bien ses travaux. En 1953-1954, cette équipe comprend huit éditeurs recrutés pour étudier le matériel épigraphique abondant et varié, et Jean Starcky en fait partie.

Spécialiste de l’araméen et plus largement des langues sémitiques anciennes, il a déjà participé au Corpus Inscriptionum Semiticarum (CIS)5 pour la section « Palmyre »6, et il est entré au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en 1951 pour son expertise dans ce domaine. Jean Starcky est mis à contribution pour le rassemblement, le classement et la reconstitution des manuscrits, en particulier des documents en cursive nabatéenne. Le « lot Starcky » se compose alors de plus d’une dizaine de manuscrits en hébreu et plus d’une quarantaine en araméen.

Face à ce travail de titan il s’entoure de plusieurs collaborateurs afin de publier les textes le plus rapidement possible. Dès 1958 Maurice Baillet7, qui travaillait déjà à la publication du matériel des « Petites grottes » de Qumrān8, se voit confier un lot de fragments. En 1972 Baillet propose le nom d’Émile Puech pour continuer l’édition des textes hébreux et c’est en 1974 que Jean Starcky fait officiellement appel à lui. À partir de 1981, Émile Puech se voit confier l’intégralité des textes hébreux du « lot Starcky ».

Cette collaboration est complétée par un travail partagé sur les textes en araméen à partir de 1982. Certains de ces manuscrits ont aussi été confiés à Józef Tadeusz Milik9. Jean Starcky voulait que les deux ensembles, hébreux et araméens, soient publiés en même temps. En 1986, il se décharge totalement de l’étude des manuscrits de la mer Morte, qu’il confie à Émile Puech. Les papyri nabatéens du désert de Juda, d’abord adjoint au « lot Starcky », ont été étudiés séparément et vont faire l’objet d’une publication à part entière par M. Puech très prochainement.

Au total, ce sont plus de 1800 diapositives qui viennent d’être numérisées par le service des archives du Collège de France. En plus des 500 clichés dédiés à Qumrān et aux manuscrits, le site de Pétra (Jordanie) est largement représenté. Jean Starcky a aussi pris le soin de documenter la plupart de ses déplacements durant ses missions et nous pouvons donc identifier les photographies d’autres sites tels que Buṣrā (Syrie), Gérasa (Jordanie), Khirbet et-Tannur (Jordanie), etc.

La première phase de travail de numérisation va se poursuivre avec la numérisation des bandes de négatifs ainsi que les tirages qui forment les deux autres sous-parties de la section iconographie des archives archéologique du fonds Jean Starcky. Cela permettra, entre autres, de mettre l’accent sur le site de Palmyre (Syrie) peu représenté dans les diapositives, ainsi que sur la partie épigraphie de la carrière de l’archéologue avec les photographies des inscriptions qu’il a pu récolter à travers tout ce qui fut la Palmyrène et le royaume nabatéen.

Bibliographie

  • 87 CDF, Fonds Jean Starcky. Archives, Collège de France.
  • Puech Émile, Qumrân grotte 4. XVIII, Textes hébreux (4Q521-4Q528, 4Q576-4Q579), Oxford : Clarendon Press, Coll. Discoveries in the Judaean desert, vol. XXV, 1998.
  • Puech Émile, Qumrân grotte 4. XXII, Textes araméens. Première partie, 4Q529-549, Oxford : Clarendon Press, Coll. Discoveries in the Judaean desert, vol. XXXI, 2001.
  • Puech Émile, Qumrân grotte 4. XXVII, Textes araméens. Deuxième partie, 4Q550-4Q575a, 4Q580-4Q587 et appendices, Oxford : Clarendon Press, Coll. Discoveries in the Judaean desert, vol. XXXVII, 2009.
  • Puech Émile, « Les manuscrits de la Mer Morte, cinquante ans après », Bulletin du Centre de recherche français à Jérusalem, 1 | 1997, mis en ligne le 27 juin 2008. En ligne : http://journals.openedition.org/bcrfj/4922, consulté le 19 février 2025.
  • Puech Émile, « L’abbé Jean Starcky (1909-1988) », Revue de Qumrân, vol. 15, n°1/2 Mémorial Jean Starcky I : Textes et études qumrâniens | 1991. En ligne : https://www.jstor.org/stable/24608919, consulté le 26 février 2025.
  • Puech Émile, « Józef Tadeusz Milik », Revue de Qumrân, vol. 17, n°1/4 | 1996. En ligne : https://www.jstor.org/stable/24610130, consulté le 27 février 2025.
  • https://www.ebaf.edu/les-enseignants/emile-puech/
  • Puech Émile, « In Memoriam l’abbé Maurice Baillet (1923-1998 », Revue de Qumrân 18, n°3 | 1998. En ligne : https://www.jstor.org/stable/24609122, consulté le 27 février 2025.
  • WIll Ernest, « Nécrologie : Jean Starcky (1909-1988 », Archéologie, art et histoire, vol. 66, n°1/4 | 1989. En ligne : https://doi.org/10.3406/syria.1989.7119, consulté le 3 mars 2025.

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  1. Ce fonds avait été donné à cet institut par Emmanuel Starcky, le neveu de l’archéologue. []
  2. Cf. bibliographie, les trois volumes de la collection Discoveries in the Judaean desert. []
  3. Aujourd’hui Musée Rockefeller. []
  4. Père Roland Guérin de Vaux (1903-1971), dominicain, archéologue et directeur de l’École biblique et archéologique de Jérusalem de 1945 à 1964. []
  5. Recueil des inscriptions sémitiques initié en 1867 par Ernest Renan, professeur au Collège de France de 1862 à 1892 sur la chaire Langues hébraïque, chaldaïque et syriaque. []
  6. STARCKY, Jean et  CHABOT, Jean-Baptiste, Corpus Inscriptionum Semiticarum, pars II, tomus III, tabulae, fasc. I,Paris : Imprimerie nationale ; Klincksieck, 1950. []
  7. Abbé Maurice Baillet (1923-1998), philologue et directeur de recherche associé à l’Institut d’études sémitiques du Collège de France. []
  8. Grottes 2 et 3, et 6 à 10. []
  9. Józef Tadeusz Milik (1922-2006), archéologue et chercheur au CNRS de 1952 à 1987. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Valentin Noël (12 mars 2025). Un nouveau versement au fonds Jean Starcky. Colligere. Consulté le 18 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13gip


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